Quand on est sportif de haut niveau, il y a beaucoup de pression. Et paradoxalement, plus on monte en niveau, plus cette pression augmente.
Ce constat que nous partage Blaise Matuidi est rejoint par la grande majorité des athlètes que nous avons rencontrés. Remporter une médaille, être le tenant du titre n’aide pas forcément à se débarrasser de la pression. Une nouvelle forme de pression accompagne la réussite : la peur de décevoir, la peur de décliner, de ne plus être à la hauteur.
Qui a le plus de pression : le favori ou le challenger ?
Il y a match.
Paul-Henri Matthieu, tennisman français, se rappelle de son entrée sur le court de Roland Garros en 2006 face à Nadal qui vient d’enchaîner 55 victoires consécutives sur terre battue :
Il y a des joueurs comme Nadal, Federer ou Djokovic qui ont un tel palmarès qu’ils ont presque gagné leur match avant même d’entrer sur le court, psychologiquement.Il faut s’imaginer que l’on entre en premier, que le speaker annonce notre nom et notre palmarès en 30 secondes….puis qu’il annonce Nadal et déroule pendant 4 minutes 30 ses victoires. Alors d’un côté, oui, on peut se dire qu’il n’y a pas de pression puisqu’on a rien à perdre. Mais nous sommes des compétiteurs : ça se joue en France, on sait que beaucoup de monde nous regarde. On n’a pas envie d’être écrasé.Dans un match, il y a plusieurs types de pression qui se mêlent : il y a la pression de l’adversaire, mais il y a aussi la pression de bien faire. Et celle-là s’applique au challenger comme à l’ultra-favori.
Finalement, ce que nous montre Paul-Henri Matthieu, c’est que quand il y a enjeu, quand on accorde de l’importance à un projet, quand on chérit un objectif, il y a de la pression.
Et cette pression peut venir :
Alors comment retrouver un peu de sérénité ? Comment éviter que la pression n’entrave la performance ?
La première chose que nous conseillent les athlètes que nous avons rencontrés, c’est d’essayer de faire abstraction de l’enjeu pour se concentrer sur ce que l’on sait faire et sur le plaisir qu’on a à le faire.
Le nageur quintuple médaillé Camille Lacourt l’explique ainsi :
Le stress vient des choses que l’on ne peut pas gérer. Quand j’arrivais en compétition, l’objectif n’était pas forcément d’être champion du monde : parce que c’est un objectif qui fait peur, qu’on ne peut pas complètement maîtriser. Il peut toujours y avoir un adversaire plus fort que soi, ça fait partie de la vie du sportif. Donc mon objectif, c’était plutôt de me donner à 100%, de sortir de l’eau en pouvant me dire : “j’ai tout donné”. C’est un principe que j’applique encore dans ma vie quotidienne aujourd’hui. Quand je pars courir, je ne me dis pas : “je vais faire du 4’30min au kilomètre”. Je préfère me dire : “je veux aller courir, je veux me dépenser, je veux rentrer crevé”. Si tu te donnes un temps et que tu ne l’atteins pas, tu vas prendre ça pour un échec. Alors que c’est une réussite : tu es allé courir, tu as fait ton maximum.
Il propose également une seconde distinction, qui permet de faire taire son stress négatif :
Beaucoup pensent que le haut-niveau demande des sacrifices. Je préfère utiliser le mot choix. Se lever à 7h du mat pour aller s’entraîner quand il fait nuit, plonger dans une eau qui n’est pas toujours chaude pour faire ses 7 kilomètres, ce n’est pas facile. Mais si on l’a décidé, si on se dit qu’on se lève pour être le meilleur du monde, ça n’est plus un sacrifice. La philosophie est complètement différente et pourtant il n’y a pas grand chose à changer.
Laisser de côté l’enjeu pour se concentrer sur soi et sur ce que l’on sait faire, c’est également la leçon que tire Stéphane Diagana de ses participations aux Jeux Olympiques :
L’essentiel, c’est d’évacuer l’enjeu pour être sur le jeu. Le jeu c’est ce que je sais faire : c’est ce pour quoi je m’entraîne. Quand on n’a jamais été champion olympique, si on court pour être champion olympique, on court pour quelque chose qu’on n’a jamais fait. Si on court pour gagner un 400 mètres haie et que la conséquence c’est d’être champion olympique, c’est pas le même processus mental. On revient dans un univers familier. On laisse au spectateur l’extérieur, ce qui constitue l’emballage. L’emballage c’est les Jeux Olympiques mais ça reste un 400m haies. Si vous passez votre temps à vous interroger, votre énergie mentale ne va pas être concentrée sur ce qui va faire que vous allez gagner.
En somme, pour faire face à la pression, ces deux athlètes nous invitent à transformer notre discours interne pour se rassurer sur ce que l’on sait faire et ce que l’on aime faire.
On n’est pas toujours préparé(e) à devenir un(e) champion(ne).
Dans le sport, le syndrome de l’imposteur peut être alimenté par plusieurs facteurs :
Le haut niveau est un environnement particulièrement exigent, qui ne permet pas de se reposer bien longtemps sur ses lauriers. On remporte une victoire et tout à coup, c’est comme si les attentes devenaient trop lourdes à porter. On a peur de ne pas être à la hauteur.
Et ce, malgré tout l’investissement, malgré tout le travail qui a été engagé pour en arriver là.
Pour certains, ces doutes peuvent engendrer ce qu’on appelle le syndrome de l’imposteur, un concept qu’ont étudié les psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes.
Le syndrome de l’imposteur est un sentiment d’insécurité dont on fait l’expérience quand on a du mal à reconnaître et accepter sa propre réussite. Il présente trois caractéristiques :
Ce sentiment, Antoine Dupont a dû apprendre à le transformer en force. A 26 ans, le demi de mêlée en équipe de France et au Stade Toulousain a déjà reçu plusieurs fois les titres de champion de France, champion du monde, de “meilleur joueur du tournoi des 6 nations” (3 fois) et même de “meilleur joueur du monde” en 2021.
Et pourtant, il raconte :
J’avais l’impression parfois d’avoir juste de la chance. Que c’était juste un fait de jeu qui faisait que j’avais pu faire une percée, mais que ce n’était pas forcément moi qui l’avais provoqué. Et donc j’avais l’impression que si cette chance-là disparaissait, ma performance disparaitrait aussi.J’en ai beaucoup parlé avec mon préparateur mental et la psychologue. Ils m’ont aidé à me persuader que si quelque chose se reproduit autant de fois…c’est qu’à un moment donné ce n’est pas juste de la chance !
Derrière la pression qui paralyse se trouve bien souvent une peur : la peur de l’échec, la peur de décevoir.
Et pourtant, perdre fait partie du quotidien d’un athlète de haut niveau.
“Oser, c’est oser l’échec”, nous rappelle Edgar Grospiron qui avait l’habitude d’afficher ouvertement ses ambitions devant les journalistes, de déclarer “Je serai champion olympique dans 4 ans” avec audace.
Comment apprendre à mieux le vivre ? Comment faire en sorte que la peur de l’échec ne devienne pas paralysante ?
Alizé Cornet, championne de tennis, nous raconte que pendant longtemps sa motivation était alimentée par la haine viscérale de la défaite. Mais cela rendait chaque défaite d’autant plus douloureuse :
A chaque défaite, c’était mon monde qui s’écroulait. Ça pouvait être pour une soirée, pour une journée… Ca pouvait me hanter pendant une semaine, me faire faire des cauchemars, parfois même des crises d’angoisse.[…]De la lassitude, il y en a eu beaucoup. J’ai pensé à arrêter le tennis beaucoup de fois en me demandant si c’était vraiment cela le chemin qui me rendait heureuse, si c’était le but de la vie de courir après une balle de tennis, après des objectifs qui ne s’arrêtent jamais. J’étais insatisfaite en permanence.
Et pourtant, Alizé a réalisé une des plus longues carrières du circuit. Elle détient par exemple le plus grand nombre de participation consécutives en Grand Chelem, 69 - soit tous les tournois au calendrier entre l’Open d’Australie en 2007 et Roland Garros en 2024 à l’issue duquel elle a pris sa retraite.
Qu’a-t-elle appris de ses déceptions et de ses échecs ?
Pour Alizé, le déclic est passé par un travail sur elle-même :
Je me suis rendue compte que j’avais beaucoup basé mon épanouissement sur ma vie professionnelle. Et finalement ce n’était pas le bon calcul. […] C’est important de se connaître et de savoir qui on est en dehors de son sport. Si je ne me résume pas à mon sport, je vis mieux la défaite.
C’est la même démarche qui a également aidé l’escrimeuse Ysaora Thibus à revenir à l’entraînement. Quelques mois après une défaite douloureuse aux JO de Tokyo en 2021, elle décroche le titre de championne du monde au Caire. Elle raconte :
J’ai pris énormément de temps à me remettre de cette compétition olympique. J’ai arrêté l’escrime pendant près de 4 à 5 mois ; j’ai même voulu arrêter tout court. C’était physique : tout mon corps me disait d’arrêter.[…] Ça a pris beaucoup de temps pour que je remette du sens dans ma pratique sportive, c’est passé par beaucoup de remises en questions identitaires : qui suis-je en dehors d’être athlète ? Qui ai-je envie d’être ? […] J’ai fini par comprendre que mon bien-être personnel était essentiel à ma performance sportive. Qu’il fallait que je sois bien dans ma vie, bien dans ma peau, bien en tant que femme pour réussir.
Alors, si vous ne devez retenir qu’une idée de ce paragraphe sur l’échec, la voici : distinguez l’être du faire. N’oubliez jamais que rater, ce n’est pas être un(e) raté(e).
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