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Laurent Combalbert, ancien négociateur du Raid et spécialiste de la gestion de crise.

La place de la santé mentale dans les situations de crise : interview d'un ex-négociateur du Raid

3
minutes de lecture

On ne vous apprend rien : la vie en entreprise n’est pas exempte de situations de crises et ces dernières années en ont été la preuve. 

Qu’il s’agisse de crises externes à l’entreprise (sanitaire, géopolitique, économique, environnementale, sociétale) ou de situations qui lui sont propres (baisse brutale du chiffre d’affaire et plan de licenciement, fusion suite à un rachat, cas de harcèlement, décès d’un collaborateur…), certaines crises ne peuvent être évitées. 

Or, une crise est une période particulièrement exigeante sur le plan cognitif et émotionnel. Et lorsqu’elle est mal gérée, une crise a des conséquences importantes au niveau humain (mal-être, désengagement, perte de confiance…) aussi bien qu’au niveau économique (impact sur l’image de marque, sur le chiffre d’affaires). 

Dès lors, comment les organisations peuvent-elles adapter leur organisation aux situations de crise ? Comment peuvent-elles faire de la santé mentale l’allié de leurs équipes pour mieux les gérer ? 

Pour en savoir plus et bénéficier de conseils concrets, nous avons rencontré Laurent Combalbert. Ce négociateur de crise professionnel a fait partie pendant plusieurs années de la meilleure unité au monde, spécialisée dans la gestion de situations complexes et dans la lutte antiterroriste au sein du RAID. Fort de son expérience du terrain, Laurent Combalbert a construit avec The Trusted Agency, dont il est le Président, des outils concrets pour aider les entreprises à mieux gérer les situations de crise.

Qu’est-ce qu’une crise ? 

Tout incident n’est pas une crise 

Difficile de commencer cet article sans revenir sur la notion même de crise. Laurent Combalbert, dans son ouvrage La gestion de crise, co-écrit avec Éric Delbecque, et publié en 2018, définit la crise comme « une période durant laquelle l’organisation ne parvient plus à s’adapter à son environnement et à réaliser ses objectifs en ayant recours aux routines - c’est-à-dire aux procédures ordinaires qui régissent son fonctionnement quotidien ».  

Une crise est une situation hors normes et imprévisible, qui se produit hors des procédures et protocoles habituels. Lorsque l’on est en crise, on ne peut pas juste dérouler un plan pré-rédigé. Il y a toujours de l’imprévu. Pour savoir réagir à une crise, il faut donc commencer par adapter le mode de fonctionnement de l’organisation. 

Parce qu’elles sont imprévisibles et hors normes, les crises mettent nécessairement en difficulté les organisations. La clé pour bien les gérer, c’est l’agilité

Pour faire face à une crise, il faut que l’entreprise soit capable de revoir rapidement son mode de fonctionnement, qu’elle active son “mode de crise”.

Pourquoi les crises affectent particulièrement notre santé mentale 

La difficulté à gérer une situation de crise repose sur ce paradoxe : en situation de crise, il faut prendre des décisions rapides. Or, il n’y a jamais vraiment de bonne décision - ou du moins, il n’a jamais été aussi difficile d’en prendre. 

Pourquoi ? Parce que les décisionnaires : 

  • sont stressés par l’urgence et le manque de temps
  • sont soumis à la pression d’un enjeu souvent élevé
  • s’appuient sur des informations le plus souvent incomplètes ou erronées et savent qu’ils devront justifier leur choix a posteriori, que la crise sera analysée à froid, par d’autres, ce qui ajoute à la pression de l’enjeu. 

Dès lors, comment éviter d’être paralysé par une crise ? Comment agir au mieux ? 

Adapter l’organisation pour agir et prendre des décisions en situation de crise 

Monter une cellule de crise pour prendre des décisions rapides

Les crises ne sont pas prévisibles et peuvent donc difficilement être anticipées. Mais une entreprise peut tout à fait décider qu’à partir d’une date précise, elle sera en crise. C’est là qu’elle active son “mode de crise”.  

La première exigence du mode de crise, c’est de savoir agir vite et de pouvoir prendre des décisions rapidement. Laurent Combalbert recommande donc de former rapidement une cellule de crise. Il s’agit tout simplement d’un comité de direction, formé pour les moments de crise. 

La mise en place d’une cellule de crise permet de raccourcir considérablement le temps de décision, en adoptant un fonctionnement plus agile pour faire face à la situation d’urgence.  

Documenter les décisions pour anticiper l’après-crise

Laurent Combalbert estime que près de ¾ des informations fournies en situation de crise sont fausses

Il conseille donc de documenter un maximum toute décision prise pendant cette période, avec autant de précision que possible (l’heure de communication de chaque information, la retranscription des discussions, la liste exacte des décisions prises...) pour pouvoir les expliquer a posteriori. 

Maintenir un niveau de confiance élevé 

L’intensité des périodes de crises est souvent propice à l’émergence d’un climat conflictuel dans l’entreprise. Or, la cohésion et l’engagement sont des leviers nécessaires pour bien gérer une crise. 

Sur quoi les équipes dirigeantes peuvent-elles s’appuyer pour renforcer le collectif en période de crise ? 

Dans son ouvrage Dans la peau du leader : HERACLES, référentiel du leadership et de l’agilité collective, Laurent Combalbert distingue 5 leviers de confiance sur lesquels les individus et les organisations peuvent agir : 

  • la confiance en soi : il s’agit de la confiance de chacun dans sa capacité à réagir face au stress. Il est tout à fait possible de développer cette compétence. Dans un précédent article, nous vous expliquions par exemple comment on peut utiliser des “ancres mentales” pour gagner confiance en soi au travail
  • la confiance d’équipe : il s’agit de la confiance des individus dans leur capacité à fonctionner ensemble. Elle se construit dans le temps (et surtout en “période de paix”) mais peut être renforcée en période de crise par la mise en place de nouvelles règles de fonctionnement claires ou le rappel de ce qui a déjà été entrepris ou surmonté en équipe. 
  • la confiance hiérarchique : gérer une crise demande un effort particulièrement intense de la part des équipes dirigeantes. Un bon leader doit absorber une partie de la pression. Laurent Combalbert le formule ainsi : “quand on partage la pression, on ne la divise pas : on la multiplie.” En tant que leader, cela implique deux choses : la nécessité de savoir gérer ses propres émotions, mais aussi, la capacité à s’intéresser à celle des autres. Faire preuve d’empathie, être attentif aux émotions que peuvent ressentir son équipe renforce la confiance hiérarchique.
  • la confiance dans la mission : c’est ce que Laurent Combalbert appelle l’engagement. En période de crise, il est important de s’accorder sur l’enjeu et que celui-ci soit motivant. 
  • la confiance dans l’histoire : ce niveau de confiance s’appuie sur les valeurs de l’entreprise, et la confiance dans le fait que l’entreprise ne les transgresse pas, même en période de crise. C’est pourquoi il est important de bien distinguer les valeurs des règles de fonctionnement : les règles de fonctionnement peuvent être transgressées en période de crise (pour décider plus rapidement par exemple) ; mais les valeurs, elles, sont des constantes et il ne faut pas hésiter à les marteler, surtout dans les situations délicates.

Accepter l’incertitude, compétence clé de la gestion de crise 

Pour prendre les meilleures décisions, il faut apprendre à vivre avec la crise. Nous l’avons vu plus haut : en temps de crise, il est impossible de tout prévoir et il faut prendre des décisions vite, en se fondant sur des informations partielles et parfois erronées. 

Le danger de vouloir appliquer une procédure ou un plan de crise, c’est de penser qu’on a tout prévu. L’incertitude est inhérente à toute crise. Il faut donc rester agile. Comment ? 

Comprendre le phénomène de “haute intensité”

1. Plus la crise est intense, plus nos capacités cognitives sont diminuées

Vous l’aurez compris, la crise est une situation particulièrement stressante. Or le stress diminue notre capacité cognitive et rend la gestion de la crise d’autant plus complexe. 

Par conséquent, apprendre à maîtriser la haute-intensité d’une situation est clé pour garder la tête froide. 

2. La haute-intensité est liée à la perception du risque

Pour décrire la haute intensité, Laurent Combalbert s’appuie sur l’exemple de la traversée d’un cours d’eau. 

Imaginez une planche reliant une rive à l’autre. À 1 mètre du sol, les yeux ouverts, la tâche paraît facile et réalisable. En revanche, à 10 mètres du sol, les yeux fermés, traverser la planche paraît beaucoup plus difficile et dangereux. La perception du risque est alors beaucoup plus intense. 

On passe ainsi d’une situation à faible intensité à une situation à intensité critique, qui engendre à la fois de la peur et du stress, et diminue fortement la capacité cognitive.

Que faut-il retenir de cette métaphore ? Que le degré d’intensité d’une situation dépend de notre perception de la situation. Il est donc nécessaire d’évaluer la situation avec objectivité pour mieux maîtriser son intensité. 

3. Mesurer l’intensité d’une situation grâce à CRITER

Là encore, Laurent Combalbert a mis au point un schéma qui lui permet de mesurer le plus objectivement possible le degré d’intensité de chaque situation. 

Si vous êtes confronté à une situation de crise, essayez de vous posez les cinq questions de l’acronyme CRITER : 

  • Est-ce que je suis suffisamment compétent face à la situation ? Moins on se sent compétent, plus la situation est stressante. En situation de crise, le syndrome de l’imposteur nous rattrape souvent au galop. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, à s’appuyer sur la compétence des autres.
  • Est-ce que je dispose de suffisamment de ressources internes pour faire face à la situation ? Par ressources internes, on entend la capacité d’une personne à accepter et gérer ses émotions primaires (comme la peur ou la colère) et son stress. Maîtriser ses émotions permet d’éviter qu'elles n’escaladent et que la colère ne se transforme en agressivité, et la peur en angoisse. 
  • Est-ce que je dispose de toutes les informations nécessaires pour faire face à la situation ? Et si je ne les ai pas, est-ce que je suis en mesure de les avoir ? Si oui, est-ce que je sais où les chercher et à qui les demander ? 
  • Est-ce que j’ai le temps ou suis-je obligé de prendre la décision en urgence ? En fait, ce qui compte en situation de crise, ce n’est pas tant le temps que le rythme. Plutôt que de regarder la montre, déterminez un nombre fixe de réunions, et mettez en place un rythme de prise de décision qui vous convient dans le temps imparti. 
  • Quels sont les enjeux de la crise ? Il faut faire en sorte de trouver un enjeu qui soit motivant pour tous, pour engager les décisionnaires dans la crise. 
  • Est-ce que je dispose de suffisamment de ressources externes pour faire face à la crise ? Est-ce que je suis entouré d’une équipe aux compétences complémentaires ? Et si non, est-ce que je peux trouver des personnes capables de m’apporter des compétences que je n’ai pas dans mon équipe ?

La gestion de l’émotion, pendant et après la crise 

Les émotions sont bien souvent au cœur de la crise. Laurent Combalbert nous partage l’exemple d’une entreprise qu’il a récemment accompagnée sur une crise sociale. Suite à une fermeture d’un site industriel sans repreneurs, l’équipe dirigeante tentait de négocier avec les syndicats et les collaborateurs. Avec d’un côté la culpabilité et le sentiment d’impuissance des dirigeants, et de l’autre la colère ou le sentiment d’injustice des syndicats, les émotions étaient tellement fortes, que toute discussion devenait impossible. 

Alors comment accepter les émotions sans se laisser envahir par elles ? 

Pour Laurent Combalbert, cela passe par deux étapes. 

La première : créer un cadre dans lequel les émotions peuvent s’exprimer. Il ne faut surtout pas chercher à éliminer ou refouler les émotions. Au contraire, elles sont légitimes et utiles. Le mieux pour exprimer ses émotions, c’est de débriefer à chaud, soit seul, soit en binôme, soit en équipe. Cela permet d’éviter de trop rationaliser ses émotions et de réinventer ce qu’on a vécu. 

La seconde : s’entraîner régulièrement à accepter les émotions, à les comprendre. C’est ce que permet notamment la méthodologie DAIMER. Laurent Combalbert l’utilise lui-même depuis des années, avec les entreprises et par lui-même, pour éviter de rapporter les émotions vécues au travail à la maison.  

  • D comme Déclencheur : Verbaliser et visualiser ce qui a déclenché l’émotion
  • A comme Alerte : Comprendre s’il y a une alerte physique (comme une boule à l’estomac par exemple) et voir comment la relier à une émotion.
  • I comme Installation : Comprendre comment la réaction émotionnelle s’est installée.
  • M comme Maîtrise : maîtriser l’émotion pour éviter qu’elle ne se dégrade, par la respiration, la visualisation ou encore un échange.
  • E comme Effet : Comprendre les effets de l’émotion sur la situation (comment a-t-elle été perçue par les autres ? Est-ce qu’on a montré aux autres ce que nous avons ressenti ?)
  • R comme Résultat : Comprendre quel a été le résultat de l’émotion ? 9 fois sur 10, exprimer son émotion a un effet positif et aide à faire avancer les discussions et à prendre les bonnes décisions. 

De son expérience en tant que négociateur du RAID, Laurent Combalbert a tiré des schémas de pensées et des bonnes pratiques qui peuvent aider les organisations à mieux naviguer les périodes de crise. Même si le propre d’une crise est qu’elle n’est pas prévisible, il nous montre que les entreprises peuvent mettre en place des actions très concrètes pour gagner en agilité et renforcer le collectif.

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