Gautier Capuçon

Gautier Capuçon

Gautier Capuçon, virtuose du violoncelle et fondateur d'une Classe d'Excellence, partage sa passion pour la musique et l'émotion qu'elle lui procure.

On vit dans une époque assez inouïe : tout va très vite, nos exigences sont de plus en plus fortes par rapport à notre métier, et notre image devient un objet de communication sur les réseaux sociaux. Il est donc essentiel de bien se connaître, de comprendre quelles sont ses limites. Que ces limites soient intellectuelles, émotionnelles, ou physiques, il faut apprendre à les apprivoiser, et même en faire des forces. 

Dans le milieu de la musique, on est confronté très jeune à une compétition assez forte et à une exigence élevée, à double titre. Il y a d’une part la pression qui vient des autres, du fait d’être “confronté” aux autres, ce qui est assez malsain car la seule compétition qui vaille devrait être celle avec soi-même, celle qui pousse à se dépasser. 

Et puis il y a la pression que l’on s’impose, seul, à soi-même. Cette pression-là a quelque chose de bien particulier, car elle est en réalité difficile à cerner. Contrairement à un sportif, le musicien, lui, n’a aucun repère sur lequel s’appuyer. Au tennis, en course ou au foot par exemple, c’est déjà plus facile : on compte la vitesse ou le nombre de points - il existe une forme de mesure de la performance sportive. La performance musicale, elle, est au contraire totalement subjective. Après un concert, il m’arrive de me poser la question “Ai-je été bon ?”. Pour tout vous dire, je n’ai pas nécessairement la réponse ! Mais la pression est là - surtout depuis que les concerts sont enregistrés depuis plusieurs années. Les micros, c’est peut-être finalement ça notre “score” à nous car on sait pertinemment que si l’on fait la moindre erreur, elle restera enregistrée à tout jamais. 

Se laisser envahir par cette pression risque de nous faire oublier l’essence-même de la musique :partager une émotion, vivre l’instant, et, surtout, se sentir bien sur scène. 

Et si l’on se sent moins bien - ça arrive et c’est tout à fait normal - on doit pouvoir se sentir libre, surtout lorsqu’on a 15-16 ans, d’en parler. C’est ce que j’essaie de faire avec ma classe de violoncelle : donner un cadre de confiance pour oser se confier. Nous, musiciens, nous ne sommes pas accompagnés comme les sportifs par des coachs, des médecins voire même des psys. Nous sommes souvent livrés à nous-mêmes et nous n’avons pas forcément le courage, surtout lorsqu’on est jeune, d’aller voir son professeur pour lui dire que l’on n’arrive pas à gérer. C’est dommage que ce soit encore si tabou. 

 

Prenez-vous soin de votre santé mentale, c’est important pour vous ? 

Le trac est le lot commun des artistes, on ne peut pas lutter contre ça et il faut donc apprendre à le gérer. Chacun peut trouver sa méthode, que cela passe par la respiration,la concentration ou encore, la méditation. 

J’ai la chance de bien supporter la pression : d’abord parce que je suis une personne de nature positive, et puis parce que j’ai davantage d’expérience désormais. Je me connais mieux et j’appréhende le quotidien avec beaucoup plus de distance maintenant qu’à 30 ans. J’ai aussi appris, au fil du temps, à veiller à ma santé mentale. Le plus important pour moi reste le sommeil et l’alimentation -pas si facile quand on voyage souvent loin de chez soi. Les concerts sont tard, les réveils sont tôt… Par exemple, j’ai pris l’habitude de faire des siestes avant chaque concert car je sais que c’est ce dont mon corps a besoin pour récupérer.

Il y a quelques années, je me suis aussi mis à courir. Très vite, j’ai compris que ça me faisait du bien, surtout mentalement. Le sport m’aide à me vider la tête, et c’est aussi parfait pour “rebondir” après un décalage horaire ; après chaque atterrissage dans une nouvelle ville, je pars faire un jogging pour reprendre de l’énergie positive. Je cours désormais au moins 5 fois par semaine, j’ai absolument besoin de cette routine pour me sentir bien. 

 

Comment avez-vous vécu la crise du covid-19 et la fermeture des salles de concert ? 

 

Pour ne rien vous cacher, le Covid a été une période difficile. J’ai mis un peu de temps à comprendre ce qu’il se passait, j’étais à ce moment-là aux États-Unis. Pour moi, c’était impensable que les concerts s’arrêtent. Pendant plusieurs semaines, j’ai éprouvé un sentiment d’angoisse, j’étais perdu et j’avais peur de cet inconnu qui s’offrait à nous. Ces sentiments étaient nouveaux pour moi. 

Comme je suis quelqu’un d’actif, je me suis rapidement lancé dans de nouveaux projets. Une semaine avant le confinement, j’avais commencé à poster quelques vidéos. J’ai finalement continué chaque jour, en me filmant grâce à mon téléphone installé sur le pupitre, et j’ai enregistré 56 vidéos comme ça ! Comme un moment de respiration, la musique m'apaisait tout particulièrement durant cette période ;elle faisait aussi du bien à ceux qui me suivaient - des mélomanes et non-mélomanes - et avec qui j’ai tissé un lien très fort.

Plus tard, j’ai même fait un disque avec des camarades qui ont répondu à l’appel pour soutenir les soignants. En 48 heures seulement, nous avons enregistré tous les morceaux et le disque a vu le jour au bout de 3 semaines : du jamais-vu ! Même dans ces moments-là, je me dis qu’il y a toujours du positif. Tous ensemble, nous avons puisé dans notre créativité, expérimenté de nouvelles choses et nous nous sommes soutenus mutuellement.


Y a-t-il un message que vous souhaitez partager avec nous ? 

Tout simplement qu’il est essentiel de PARLER de la santé mentale. J’aimerais dire à tous ces jeunes qu’il ne faut pas avoir honte, qu’il ne faut pas avoir peur de parler de ses coups durs. La pression est partout, dans tous les domaines et il y aura nécessairement un moment où l’on se sentira moins bien. À ce moment-là, il faut pouvoir se sentir en confiance et se confier de manière sereine car c’est extrêmement important. Même quand on est jeune, même quand on se sent“invincible”. Il faut être particulièrement bienveillant avec les émotions, les nôtres et celles des autres.

Eux aussi prennent la parole

Alexis Michalik

Roxanne Varza

Alexis Krycève

Cyril Chokroun

Pierre Dubuc

Chloé Hermary

Stéphanie Gicquel

Gautier Capuçon

vous voulez en apprendre
d'avantage sur le Mouvement ?

Nous Contacter