Alexis Krycève

Alexis Krycève

Découvrez Alexis Krycève, entrepreneur social expérimenté. Apprenez comment il gère l'instabilité et l'incertitude pour créer un impact positif durable.

Pourquoi êtes-vous sensible au sujet de la santé mentale ? 

C’est un sujet qui est souvent passé sous silence, notamment dans le milieu de l’entrepreneuriat. Il y a toujours un côté un peu romantique, un peu glamour quand on parle de l’entrepreneur ; on a tendance à dire « c’est génial, soyons tous entrepreneurs, c’est la liberté ! ». C’est pourtant le choix d’un métier qui est extrêmement challengeant, un métier qui est fait d’instabilités permanente et qui s’adresse avant tout à des gens qui n’aiment pas la routine. 

Je suis très conscient du fait que le travail est un endroit où l’on passe l’essentiel de son temps et qu’il peut être extrêmement destructeur pour des gens, conduire à des situations dramatiques, à de vrais points de rupture. Dans mon travail au quotidien, je suis très attaché à ce que les personnes qui travaillent avec moi donnent tout.C’est donc aussi ma responsabilité de leur offrir un lieu d’épanouissement et non de destruction. Je me sentirais vraiment en échec si des gens se sentaient mal dans un environnement que j’ai créé. 

À titre personnel,  il y a des moments dans ma carrière où j’ai été très challengé sur le plan émotionnel. Je suis pourtant quelqu’un de très stable, peu sujet au stress mais j’ai eu des phases durant lesquelles j’ai vraiment été fragilisé, où je me suis senti pas si loin de la rupture. Je me retrouvais alors face à mon ordinateur et je ne savais plus quoi faire. 

Les situations difficiles à affronter ne sont pas des faiblesses, elles vont avec la vie. J’ai grandi avec un père lui-même entrepreneur dont l’activité a été mise à l’épreuve. J’ai vu ce qu’il était capable d’endurer, et lui ne s’est pas effondré. Mais j’ai aussi compris que ça pouvait arriver à tout le monde, même aux gens en apparence équilibrés et stables.

Comment appréhendez-vous la santé mentale dans votre travail ? 

Avec l’expérience, j’ai appris à mieux anticiper, à mieux gérer l’incertitude et à davantage relativiser les échecs aussi bien que les succès, ce qui est salvateur au quotidien. Mais oui, il y a eu des moments, où il y avait de trop grandes incertitudes, sur trop de paramètres à la fois. Cela a généré de la peur, de l’anxiété, et j’ai pris le parti de consulter un psychologue pour m’aider à passer le cap. 

La vie d’entrepreneur est souvent solitaire, on se sent isolé. S’ajoute à cela le paraître, la posture attendue de celui qui monte une entreprise : on entend plus souvent parler des success stories, des aventures entrepreneuriales où on a l’impression que tout roule. Notre vision de la santé mentale est souvent trop binaire :  il y a les gens qui vont bien et les gens qui ne vont pas bien. Alors quand on construit une équipe, quand on lève des fonds, mieux vaut donner l’impression d’être de la catégorie de ceux “qui vont bien”. Montrer une difficulté émotionnelle risque de nous faire plonger dans un cercle vicieux, alors même que c’est LE métier de l’incertitude et de la non-maîtrise. 

Ce que je recommande à tout apprenti entrepreneur : entourez-vous tout le temps, soyez honnête sur vos doutes, vos incertitudes car c’est un long périple. En tant que solo founder, j’ai tenté de m’intégrer très vite dans des réseaux d’entrepreneurs, il y a eu quelque chose de très rassurant de constater qu’il y a peu de situations que nous sommes le seul à vivre : cela apporte énormément de soutien de pouvoir partager avec des personnes qui ont eu une expérience similaire à la sienne. 

La vie d’entrepreneur, c’est finalement les montagnes russes émotionnelles ; il faut savoir mettre en place des ralentisseurs face à ce “yoyo”, apprendre à moins s’emballer dans les moments de réussite et à dédramatiser les échecs. L’expérience, je dois dire, aide beaucoup à relativiser. 

Le sens est-il la clef d’un épanouissement professionnel ? 

La quête de sens dans la société aujourd’hui est très importante, particulièrement chez les jeunes mais il y a quelque chose de dangereux dans le fait de fonder son attachement à une entreprise uniquement sur cette dimension de sens. On pourrait être tenté de penser qu’on va se sentir bien parce qu’on a de l’utilité, que cela va combler un vide. Que ce soit aider les autres ou servir la planète, on croit que les entreprises à mission vont nous offrir par essence une situation professionnelle épanouissante.

Mais c’est parfois justement l’attachement à cette mission qui risque de rendre la vie professionnelle particulièrement difficile à gérer émotionnellement. L’idée de servir une “cause plus grande que soi” peut donner lieu à certains abus et se transformer en une sorte de chantage affectif, de tiraillement personnel. Un  environnement toxique, malsain peut être encore plus destructeur  dans une entreprise portant un projet « engagé », car le tiraillement individuel peut être d’autant plus fort qu’on est attaché à l’entreprise en raison de ce projet, de la cause qu’elle défend.

Le conseil que je donne aux gens qui cherchent un boulot : plus que l’utilité sociale du projet, regardez d’abord l’environnement de travail et les valeurs de l’entreprise, l’importance accordée à l’épanouissement de la personne. 

Comment abordez-vous la santé mentale dans votre entreprise ? 

Il ne suffit pas d'être bien intentionné pour que les gens se sentent bien. C’est un préalable important mais pas suffisant, je l’ai appris avec le temps. 

Créer un environnement sain, cela passe aussi par le fait de faire exister ce sujet au sein de l’entreprise et mettre en place des outils pour accompagner les gens, avoir des systèmes d’alerte. Quand on a une entreprise en forte croissance, il y a beaucoup d'incertitudes et c’est forcément plus dur de maîtriser tous ces facteurs. 

La clef est de donner de la place à la communication, de créer des temps d’échange pour que chacun puisse s’exprimer. Que ce soit d’un point de vue individuel avec des possibilités régulières de faire remonter les problèmes (entretiens etc) et d’un point de vue collectif, avec une politique RH protectrice (convention collective, avantages). 

Tout ça ne veut pas dire oublier qu’il y a des situations d’inadaptation. Il faut y aller quand ça ne va pas, dire aux gens quand tu trouves qu’ils travaillent moins bien et ne pas laisser s’installer de mauvaises situations, surtout quand le travail d’une personne vient impacter le collectif. On peut tout dire à condition bien sûr de mettre les formes : les gens ne sont pas des punching-balls. 

 

Comment avez-vous géré la crise sanitaireau sein de votre entreprise ? 

Nous avons donné encore plus de place à la parole. 

Lors de chaque visio, nous commencions par un tour de table où nous faisions tous part de notre ”météo intérieure” ce qui obligeait chacun à prendre la parole, pas uniquement les habitués. Parfois il ya des bombes qui sortent et sans ce tour de table, la personne n’aurait pas forcément osé aborder le sujet d'elle-même ; cela favorise le partage et la cohésion des équipes.

On a aussi instauré un channel #lâchageetdéliressur le Slack, pour pouvoir oser dire “n’importe quoi” et un café virtuel deux fois par semaine. Avec ces deux rituels, ça nous a permis de parler d’autrechose au-delà du travail et de remplacer le lien humain qu’on avait dans des locaux. 

Eux aussi prennent la parole

Alexis Michalik

Roxanne Varza

Alexis Krycève

Cyril Chokroun

Pierre Dubuc

Chloé Hermary

Stéphanie Gicquel

Gautier Capuçon

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